PLAQUE COMMÉMORATIVE POUR UN NAZI

Pour quelles raisons les ONG en Serbie mettent sur le même plan le cas du commandant des forces d’occupation Nazies de la ville de Novi Pazar avec la réhabilitation judiciaire du général Draja Mihaïlovic? Quels sont ces évènements de la Seconde Guerre mondiale qu’on nous cache encore de nos jours?

Par Miloslav SAMARDJIC

La polémique est toujours en cours à propos du député d’avant la Seconde Guerre mondiale et commandant de Novi Pazar sous occupation allemande de 1941 à 1945, Aqif Hadziahmetovic Blyta. Blyta a été fusillé par les communistes en 1945, et, il n’y a pas longtemps, les autorités locales de la ville de Novi Pazar ont dévoilé une plaque commémorative à sa mémoire, le proclamant victime du communisme. Les musulmans, plus précisément les Bosniaques, estiment qu’il importe peu que Blyta ait passé toute la guerre aux côtés des Allemands et qu’il ait participé à des crimes contre les Serbes. Ils le présentent uniquement comme étant un anticommuniste.

Chaque histoire devient plus claire quand on l’observe aussi par son revers.

En l’occurrence elle pose ceci: pour quelles raisons, les musulmans n’érigent pas de plaque commémoratives à d’autres de leurs ancêtres, qui étaient aussi anti-communistes, mais - à la différence de Blyta et d’autres de ces compagnons qu’ils mettent aussi en exergue – sont restés mains propres et tête haute?

Par exemple Mustafa Mulalic. Lui aussi avait été avant la guerre député du Parti radical de Milan Stojadinovic (Premier ministre du Royaume de Yougoslavie 1935-1939 – NdT), et pendant le conflit il avait eu un rôle important en tant que membre du Comité National central du Royaume de Yougoslavie, qui représentait le dernier gouvernement yougoslave légal. Nous pouvons voir les opinions de Mulalic dans une lettre qu’il adresse le 7 mars 1944 à Ibrahim Pjanic, commandant de la légion des musulmans de la région de Gratchanitsa (région de Doboï en Bosnie – NdT):

«L’écho de tes exploits héroïques, ainsi que le comportement juste des musulmans de Gratchanitsa qui partagent nos valeurs, est parvenu jusqu’au Commandement suprême de l’Armée (royale – NdT) yougoslave et du ministre de la Guerre Draja Mihaïlovic, chez qui moi aussi je me trouve pour l’aider dans son noble effort pour l’entente fraternelle entre les Serbes et les musulmans. Fier de tes succès et heureux que tu aies réussi à conserver nos liens amicaux et idéologiques, je m’empresse de te saluer, et aussi, par ton intermédiaire, le reste de nos amis, en particulier Mustafa Puric de Zeljina, Muya Boulioubasic, Mourate Kurtovic et Alija Kusikovic de Grapska, Hussein Curic de Lukavitsa, Jusuf Mustafic de Klokotnitsa.

Je vous assure tous que vous êtes sur le bon chemin, et que vos sacrifices seront le gage du salut et de la survie de tous les musulmans justes et intègres, comme du progrès de l’islam dans la future Yougoslavie. Rapporte à tous les musulmans que le général Draja Mihaïlovic, au nom de S.A. le Roi Pierre II, veut uniquement une entente fraternelle avec nous les musulmans (…)

Que les musulmans ne se bercent pas des illusions que crée cette nouvelle propagande, car le camp des Partisans emporte vers le système communiste, et alors dans la ruine évidente de l’islam. Préviens les musulmans de ne pas faire l’erreur à cette occasion, car le verre fêlé ne peut être soigné. (…) Transmets ma certitude que ‘inch Allah’ nous nous verrons bientôt dans la liberté. Je t’adresserais une lettre à la première occasion, et toi, rapporte-moi tout ce que tu sais de la déportation par la force des jeunes filles musulmanes dans les camps communistes. Je te souhaite d’avoir la joie du héros.

Mustafa Mulalic, depuis le Grand Quartier général du Commandement suprême de l’Armée yougoslave dans la Patrie.»

Mulalic a été condamné après la guerre à plusieurs années de travaux forcés, mais ils l’ont libéré en 1951 après qu'il soit tombé gravement malade. Il est décédé la même année, à Belgrade, à 53 ans. Dans l’arrêt du tribunal qui l’a condamné il est précisé pour son identité: «confession: musulmane; nationalité: Serbe».

À cette époque, avant que les communistes ne «brisent le verre», il y avait un grand nombre de Serbes de confession musulmane.

«Mon témoignage serbe est pur comme une larme provenant d’une source limpide. Il est pleinement éclairé du passé serbe brillant, dans l’apothéose des générations serbes héroïques tombées à travers les siècles pour les idéaux du Serbisme, dans le but de vivre pour l’Éternité. Je confesse par le verbe, aussi bien écrit que vivant, mes sentiments serbes, sans honte et sans la moindre misérable propagande, ou quelconque bénéfice matériel», écrivait à titre d’exemple un autre partenaire de Draja Mihaïlovic – Alija Konjhodzic, qui à la fin de la guerre avait trouvé refuge avec les Tchetniks au Canada. Konjhodzic était l’un des rares qui avaient réussi à trouver le salut dans l’émigration.

Le major Fehim Musakadic, vétéran du Front de Salonique (1915-1918 - NdT), chef de la police de Sarajevo dans l’entre-deux guerres mondiales, avait été exécuté en 1943 comme prisonnier des communistes sur ordre personnel de Josip Broz Tito. Musakadic commandait une unité de combat de Tchetniks musulmans qui avaient exécuté des Oustachis musulmans pour les atrocités que ces derniers avaient commis contre des Serbes Orthodoxes. Mais pour les communistes il était plus dangereux parce que sa simple apparition ruinait le concept de base de leur politique identitaire. Ce concept était en même temps mis en application par les collaborateurs des Nazis, en premier lieu l’État nazi croate.

Quand le commandement oustachi a ordonné en avril 1941 aux Serbes, aux Juifs et aux Roms de lui livrer leurs armes, leurs émetteurs radio, leurs bicyclettes, etc… Mustafa ‘Muyo’ Pachic, un magistrat du tribunal régional de Mostar s’est aussi annoncé. On lui a dit que l’ordre ne le concernait pas, ce à quoi il avait répondu: «Moi je suis un Serbe, l’ordre me concerne donc aussi». Pachic a alors été arrêté, puis rapidement relâché après l’intervention de la famille de l’un de ses amis. Au cours de l’année 1942, il s’est joint aux Tchetniks, et en 1943, les Allemands l’ont capturé puis livré aux Oustachis. Il sera assassiné au camp d’extermination de Jasenovac.

Réagissant à la pose de la plaque commémorative en mémoire de Blyta, le Gouvernement de la République de Serbie a demandé aux ministères de la Justice et de la Culture de préparer une proposition de mesures qui empêcheront «les évènements controversés du passé de menacer les bons rapports interethniques en Serbie». Avec cette déclaration, le cabinet du socialiste Ivica Dacic (Premier ministre serbe au moment de la publication de l’article – NdT) démontre qu’il ne fait pas l’autruche seulement quand il est question des «évènements controversés du passés», mais aussi lorsqu’il s’agit de l’actualité. À moins qu’il ne soit pas informé que presque toute la jeunesse à Novi Pazar (ville aujourd'hui à plus de 70% d’habitants musulmans – NdT) hurle frénétiquement dans les tribunes des matchs de football: «Tuez le Serbe!».

Évidement, ils savent cela très bien, mais ils ne savent pas quoi faire ni de cette jeunesse, ni de «l’Histoire controversée», car en réalité ce sont eux-mêmes, en tant que transfuges communistes – les plus controversés.

Aussi bien dans l’Histoire qu’aujourd’hui.

En réalité, ceci est un des nombreux exemples que la Seconde Guerre mondiale n’est toujours pas simplement de l’Histoire. Comme conséquence du conflit, ce sont les communistes qui sont arrivés au pouvoir, et l’un des produits de plusieurs décennies de pouvoir communiste sont les socialistes de Dacic, qui marchent toujours aussi scrupuleusement dans les pas de leurs prédécesseurs. Le point de départ de cette route est justement la préservation de l’héritage du «brillant passé», ce qui est un euphémisme pour bander les yeux de «la maîtresse de la vie» (historia magistra vitæ est – Cicéron - NdT).

Une Histoire écrite sur les bases de la réalité devrait avant tout dire qu’avant la Seconde Guerre mondiale, à Novi Pazar pas plus qu’ailleurs, la jeunesse musulmane n’avait aussi massivement scandé «Tuez le Serbe» - simplement parce qu’il s’agissait pour une part importante de la jeunesse serbe.

Et elle a cessé de l’être seulement après l’action destructrice des communistes.

Elle était donc serbe dans une proportion importante, mais pas en majorité. Pendant la guerre, elle était dépassée en nombre par les sympathisants d’Hitler, aussi la majorité des musulmans (de Yougoslavie – NdT) aptes à porter les armes a servi dans les forces armées nazies. Et depuis les premiers jours ils se sont joints aux Croates et aux Albanais Nazis dans le génocide des Serbes.

Cependant, dès le 12 octobre 1941, 50 notables musulmans de la ville de Sarajevo signent une résolution dans laquelle ‘l’État Indépendant de Croatie’ est directement accusé d’inciter aux massacres entre musulmans et orthodoxes. Car, les massacres de Serbes étaient suivis de vengeance par les Serbes, et donc ces massacres entraînaient une chaîne d’autres massacres. Voyant que cela menait à l’anéantissement mutuel, pour le compte d’un troisième, les plus éminents musulmans de Sarajevo avaient déclaré dans cette résolution:

« (…) Après tous ces constats, nous demandons à tous les facteurs responsables et de tous les représentants politiques musulmans de s’occuper:

1/ À mettre en œuvre une réelle sécurité pour la vie, l’honneur, le patrimoine et la foi pour tous les citoyens dans le pays sans différence d’aucune sorte;

2/ À véritablement protéger les civils innocents par une défense militaire plus forte;

3/ À ce qu’à l’avenir il soit interdit de mettre en œuvre toute action qui par sa nature provoquerait des protestations et des bains de sang parmi la population;

4/ À ce que soient appelés à la responsabilité judiciaire tous les vrais coupables d’avoir perpétré la moindre violence ou méfait, sans distinction de leur appartenance religieuse, et qu’ils soient le plus sévèrement punis, de même pour ceux qui ont donné les ordres ou apporté les moyens dans la réalisation de ces crimes;

5/ À ce que soit empêchée toute intolérance religieuse et que soient le plus sévèrement punis ceux qui à cet égard s’avèreraient commettre des excès; et

6/ À ce que le plus rapidement possible soit fournie une aide matérielle suffisante à ceux qui ont injustement souffert de ces désordres (…)»

Des résolutions similaires avaient aussi été signées par les musulmans éminents de Banja Luka et de Mostar, mais, malgré tout, il a existé aussi des résolutions de musulmans encensant Anté Pavélic et les occupants Nazis, et elles étaient bien plus nombreuses. Et parce qu’à la fin de la guerre les légions de Waffen-SS musulmans avaient intégré les Partisans communistes, et parce qu’a été mis en œuvre le programme identitaire conçu par Staline et le Komintern, cette autre option pour les musulmans est devenue avec le temps l’unique, et ainsi, de nos jours, il n’y a plus d’héritiers des Mulalic, Konjhodzic, Musakadic, Muyo Pachic et d’autres qui se conduisaient selon l’adage: «le frère je l’adule, peu m’importe son culte!»

En d’autres termes, il n’y a plus personne aujourd’hui pour ériger de plaque commémorative rendant hommage à ces derniers.

Par voie de conséquence, il n’a plus resté aux musulmans (de Yougoslavie – NdT) que le choix entre les deux options de la période de guerre: la communiste ou la nazie.

Et les deux étaient criminelles.

Pourtant, personne dans le monde contemporain ne célèbre les criminels. C’est pourquoi ce chemin mène aux falsifications historiques.

Cela s’est bien vu dans l’émission de débat télévisé «Oko», diffusée le 3 septembre au soir sur la première chaine de la Radiotélévision de Serbie (RTS1). Le titre donné à l’émission était «L’Histoire en rattrapage», et les invités étaient un professeur de l’Université de Novi Pazar: Recep Skrijel et deux de ses homologues de Belgrade: Momtchilo Pavlovic – directeur de l’Institut d’Histoire contemporaine et Milan Ristovic – professeur à la faculté de philosophie.

Skrijel a retourné tous les évènements de l’Histoire à l’envers. Il a déclaré que les Tchetniks de Draja Mihaïlovic, à l’automne 1941, avaient tenté d’occuper Novi Pazar, et que les musulmans, avec à leur tête Blyta - qui soit dit en passant était Albanais originaire du Kosovo-Métochie – avaient empêché cette ville, prétendument libre à cette époque, de tomber sous occupation!

Les deux historiens belgradois n’ont pas réagi à ces allégations, car au fond des choses ils sont d’accord avec Skrijel, seulement leur vision des évènements vient de l’autre côté – du côté communiste. Dis plus précisément, entre eux les divergences n’existent que dans des détails et ne sont en somme éloignés que de l’épaisseur du papier à cigarette, mais, même si l’émission avait duré la nuit entière et pas seulement une demi-heure, ni l’un ni l’autre ni le troisième n’auraient révélé ce qui s’est réellement passé à Novi Pazar cette fameuse année 1941.

Avant toute chose, ils n’auraient pas énoncé le contexte que forme l’anéantissement des Serbes musulmans par les communistes. Ensuite, ils n’auraient pas posé le cadre juridique de l’histoire, contenu dans le fait que le Royaume de Yougoslavie n’avait pas capitulé en avril 1941, au contraire de ce qu’a déclaré pour la énième fois Pavlovic. Le Royaume avait donc son Roi, un Gouvernement et une Armée, qui faisaient partie de l’un des camps belligérants – les Alliés occidentaux – et qui essayaient de protéger ses citoyens contre les membres à cet instant plus puissants de l’autre camp des belligérants – les puissances de l’Axe. Aqif Blyta appartenait à cet autre camp (et avait d’ailleurs été décoré de la Croix de Fer – NdT), qui a fini par être vaincu et dont les membres ne se voient pas, par essence depuis la fin de la guerre, ériger de plaques commémoratives à leur mémoire.

Par conséquent, il n’y a ici pas de place pour des «propositions de mesures», mais seulement pour le respect des lois.

Par ailleurs, personne dans l’émission n’a évoqué les faits les plus élémentaires à propos de «l’empêchement de l’occupation de Novi Pazar». En effet, après l’invasion nazie de la Yougoslavie, dans la ville de Novi Pazar, à côté de forces armées composées de musulmans collaborateurs locaux, se trouvaient des légionnaires albanais, des troupes allemandes et italiennes. Donc, en réalité, les unités Tchetniks de l’Armée du Royaume de Yougoslavie ont tenté de libérer une ville yougoslave, occupée par les forces armées de l’Axe et leurs collaborateurs locaux.

Et ces Tchetniks ont tenté de libérer la ville non pas pour la garder sous contrôle, puisqu’ils étaient des maquisards, et par définition leur place est dans les montagnes, mais pour faire cesser la vague de massacres qui s’y commettait sur les civils serbes. Et ils étaient tout près d’y parvenir, seulement, dans les premiers jours de novembre 1941, les Partisans communistes attaquent les Tchetniks dans le dos!

Au lieu de cela, l’historien de Novi Pazar sur le plateau TV évoque le chiffre fantastique de 30.000 musulmans soi-disant assassinés par les Tchetniks, rien que dans les gorges des rivières Lim et Uvac (à 60km de la ville à vol d’oiseau – NdT), et en réponse ses homologues belgradois acquiesçaient en silence.

Pourquoi se sont-ils ainsi comportés?

Parce que l’un des éléments de base de l’Histoire socialiste est le ainsi-nommé ‘concept bolchevique de la Nation’, selon lequel dans chaque peuple il y a des gens comme ci et d’autre comme ça, tous étaient plus ou moins et des criminels et des collaborateurs, il existe une symétrie sur tous les sujets, mais les communistes s’étaient élevés au-dessus de tout, ils ont obtenu l’adhésion de la majorité chez tout le monde et ils ont gagné.

Ce concept est idéal pour la manipulation, mais il mène toujours à de nouvelles victimes.

Si après la Seconde Guerre mondiale, les documents comme celui de la résolution du 12 octobre 1941 signée par les plus éminents musulmans de Sarajevo avaient été connus, si on parlait de ces documents au lieu d’évoquer uniquement les crimes de Tchetniks - augmentés dans des proportions incroyablement exagérées – peut-être qu’en 1991, la boîte de Pandore n’aurait pas pu être de nouveau ouverte. Toutefois, sa réouverture se prépare une fois encore, parce que le même scenario est déroulé: on n’ose toujours pas dire pourquoi les Tchetniks attaquaient Novi Pazar en 1941, ni ce qu’il s’est passé dans les environs de Fotcha avant que les Tchetniks n’y exécutent des civils en 1942, et aujourd’hui pas plus ce qu’il s’est passé dans les environs de Srebrenica avant qu’en 1995 des musulmans y soient tués. Pire, les prétendues ‘Organisations Non-Gouvernementales’, mettent sur le même plan Blyta ni plus ni moins qu’avec le général Draja Mihaïlovic!

Traduction du serbe et adaptation de l’article publié dans la revue «Liberty» de la «Serbian National Defense Council of America» de Chicago (USA) numéro du 10 septembre 2012.

(NdT) Mise à jour: le lendemain de la mise en ligne de cet article vieux de 9 ans, nous apprenons par le site internet du quotidien serbe "Novosti" qu'un citoyen serbe courageux de Novi Pazar a essayé de retirer la plaque commémorative lui-même ce que n'avait pas essayé le Gouvernement de Serbie en 9 ans, et aurait été tabassé pour cela.

Pourtant, le journal qualifie cet évènement de "incident", et le ton de l'article suggère (copie d'écran ci-dessous), sans le dire ouvertement, qu'il se serait agi d'un "extrémiste saccageant un monument public légitime", alors que c'est une plaque en mémoire de quelqu'un qui avait été installé Maire de la ville par l'occupation allemande.