L'occupation communiste était si cruelle que régnait dans la population la conviction générale qu’il était impossible qu’elle se maintienne. Les communistes parlaient uniquement publiquement de libération, alors qu'entre eux ils utilisaient le terme adéquat - occupation. Dix jours après être entré dans Belgrade [‘libéré’ – NdT], Tito affirmait à la séance du Politburo: "En Serbie, nous devons nous comporter comme dans un pays que nous occupons" (1)
Par Miloslav SAMARDJIC
Traduction du serbe par Geoffroy LORIN de la GRANDMAISON et adaptation d'un texte tiré du livre de Miloslav Samardjic publié en serbe: "Le général Draja Mihaïlovic et l'histoire générale du mouvement tchetnik", tome 5, Ed. Pogledi, Kragouillévatz, 2010; pages 771-778.
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Ravis d’avoir fait main basse sur la capitale, les communistes eurent du mal à se réfréner lors de leurs apparitions publiques. "On n’a pas fait couler assez de sang en Serbie" dit Milovane Djilas dans sa première déclaration depuis Belgrade "libéré". "La Serbie n'a rien à espérer. Pour elle, il n’y aura aucune pitié" dit Tito dans son discours tenu à Bagnitsa en novembre [1945 – NdT]. La première déclaration du "à demi-sauvage" Slobodan Penezic ‘Keurtsoun’, tel que l’auteur du livre "Au jugement dernier" le Docteur Radoïé Vouktchévic l’a qualifié, était: "Vous êtes trop nombreux à être resté en vie, mais il nous reste encore du temps pour corriger cette erreur". (2)
Tous les journaux contenaient des articles tels que celui-ci:
"Il ne peut y avoir de liberté des peuples, ni d’unité, de paix, ni de bonheur sans le complet et impitoyable anéantissement des traitres réactionnaires, sans la justice qui, ainsi que l’ont dit Kotcha Popovic et Péko Daptchévic, implique la vengeance… inclut la vengeance" (3).
Même un an après la "libération" de la Serbie, les discours de haine inédits jusqu’alors ne quittaient pas la Une des journaux. Le journal "Tout pour la victoire", qui paraissait à Valiévo, rapporte le 19 octobre 1945 en première page la déclaration d'Aleksandar Rankovic lors d’un meeting à Obrénovatze:
"Nous devons développer et cultiver la haine envers tout ennemi de notre indépendance et de notre liberté."
(4)
Les meurtres sans procès ni jugements en Serbie furent si massifs que, selon le témoignage de Milovan Djilas, J. B. Tito les avait fait cesser pour la raison suivante: "Plus personne ne craint plus la peine de mort!" (5)
Et ce n'était qu’à la fin de l’année 1945.
En revanche, l’ordre avait été donné pour la Croatie "d’œuvrer" - c'est-à-dire de tuer - de façon aléatoire pendant seulement 24 heures, et non pas aussi longtemps comme en Serbie. Ainsi les communistes en Croatie ont liquidé un nombre significativement moindre de personnes. (6)
Outre l’OZNA (7), une autre formation est créée spécifiquement pour la destruction des "ennemis du peuple" : le KNOJ (8). Dans sa décision émise de fonder le KNOJ, Broz qualifie tous ceux qui ne soutiennent pas le Parti Communiste Yougoslave de "bandes antipopulaires", invoquant la "liquidation de ces bandes" comme étant l’objectif principal de cette formation. Broz qualifie d’ennemis du parti même "ceux qui seraient en mesure d’aider ces bandes", et aussi ceux qui ne font que "rester passifs". Le KNOJ avait reçu l'ordre d'arrêter voire de vider complètement de leurs habitants des agglomérations entières qui "soutiennent les bandes", ou même celles dans lesquelles les "bandes" "stationnent de temps en temps". Le KNOJ avait demandé l'autorisation, en complément des rafles ou des déportations de masse, de procéder à des représailles supplémentaires, pouvant aller jusqu’à des "incendies et des confiscations".
Cela aussi a été approuvé.
Pour finir, toutes les unités du KNOJ avaient reçu l’ordre d’organiser une "compétition": "Quelle sera l’unité qui tuera et capturera le plus de gens"(9).
Dans le même temps, commencèrent à être célébrés même les communistes dont la population ne se souvenait que comme des assassins les plus féroces. Le 19 juillet 1945, le journal "Tout pour la victoire" rapporte l’information suivante:
"Décorés : de l’Ordre du mérite pour le peuple de première classe Stevan Filipovic, commandant de bataillon; de l’Ordre de la Fraternité et de l'Unité de première classe Yosip Mayer, de l’Ordre du mérite pour le peuple de deuxième classe Stevan Borota. " (10).
À l'automne 1941, Yosip Mayer et Stevan Borota avaient découpé à la scie Vesséline Petrovic, le maire du village de Divtsi près de Valiévo, pendant que Stevan Filipovic était l'un des bourreaux qui maintenaient la victime. Ils avaient forcé tous les villageois à assister au meurtre rituel. L'écho du crime avait été si terrible, que même Tito s’était distancé cet automne du détachement commandé par Borota (début 1942, les trois avaient été capturés par des miliciens de Nedic lesquels les ont pendus en public à Valiévo). (11)
Dès la conquête d’une ville, les communistes remplissaient toutes les prisons "d’ennemis du peuple". Il n'y avait cependant pas assez de cellules, alors ils créèrent des geôles temporaires. À Krouchévatz, par exemple, ils ont transformé en prison: le lycée scientifique, le domicile de l'ingénieur Jika Tsvetkovic, la maison Nagoulic, l’immeuble de la préfecture, qu’on a surnommé "la Bâtisse" (aujourd'hui entreprise de confection de vêtements "Zvezda"), la cave des Jivanovic (aujourd'hui une salle de billard) et de nombreux autres bâtiments.
Et tous les pénitenciers étaient surpeuplés. La ville de Sremska Mitrovitsa comptait plus de détenus que d'habitants. La prison de Zabéla, construite pour 1 700 prisonniers, comptait 6 428 détenus en juin 1946 et plus de 12 000 en mars 1947. Les cellules du pavillon sept, qui chacune recevait un seul condamné avant la guerre, accueillaient désormais 10 à 14 personnes pour 10 mètres carrés.
Comme, même après cela, il n'y avait pas toujours assez de places pour les personnes arrêtées, on a refait fonctionner les camps de concentration que les geôliers allemands venaient d’abandonner: Bagnitsa et Saïmichté à Belgrade, Croix-Rouge à Nich et la colline de Métine près de Kragouillévatz.
Mais il n'y avait toujours pas assez de places, alors les communistes se sont mis à construire de nouveaux camps: à Chabatz, Paracin, Kourchoumlia, Sokobania, Zaïétchar, près de Détchani en Métochie, etc.
Stoïane Pribicevic informa un journal américain le 27 janvier 1945 que "après la libération de Belgrade... pendant une semaine entière, les civils n'ont pas osé sortir dans la rue". Selon les données du Ministère de la Défense américain, les communistes avaient exécuté "entre 13 000 et 30 000 personnes" à Belgrade (12).
Les communistes ont laissé derrière eux des dizaines de charniers dans la capitale. L'un des plus vastes se situe dans le secteur du verger Belimarkovic à Bagnitsa, où les Allemands avaient construit le plus grand dépôt d'essence du pays pendant la guerre. Des dizaines d’immenses fosses en béton ont été remplies de cadavres par les communistes, avant de se mettre à les enterrer tout autour (13).
Une autre grande fosse commune se trouve juste au-dessus de la route d'Avala, à partir du croisement en direction de Ripanj vers Belgrade. Il s’agissait d’une tranchée creusée par les Allemands jusqu’à hauteur d’homme, et longue d’environ un kilomètre et demi. Au fur et à mesure de l’exécution des groupes de victimes, la tranchée se remplissait de cadavres, et toujours de nos jours on peut voir l’affaissement du sol qui s’est formé depuis.
"J'ai entendu les cris et les gémissements de ces victimes pendant que des membres de l’OZNA belgradoise les frappaient avec leurs mains, leurs pieds et les crosses de leurs armes, parce qu'elles pouvaient à peine se déplacer, et ces pauvres gens, exposés à un froid terrible, étaient nus", déclarera Mia Petrovic de Badniévatz près de Kragouillévatz, qui était au moment des faits membre du KNOJ. (14)
Une nuit, l’OZNA avait arrêté tous les chauffeurs et contrôleurs des transports publics à Belgrade, uniquement parce qu'ils portaient un uniforme qui n’était pas celui des Partisans. Parce que les tramways, les trolleybus et les autobus n’étaient pas sortis dans les rues au matin, la direction de l’OZNA exigea la libération de ces détenus. "Désolé, chef, je ne peux pas les relâcher. Nous les avons tués la nuit dernière" a été la réponse. (15)
L'un des chefs de l’OZNA, Milan Trèchgnic, déclara que rien que dans le quartier sous son commandement, entre 800 et 900 personnes avaient été liquidées au cours des deux ou trois mois ayant suivi la "libération". (16)
Et Belgrade comptait 16 quartiers.
Trèchgnic déclara également :
"Je me suis même juré quand j’étais membre du SKOJ, quand je viendrai à Belgrade et ferais irruption dans ces villas bourgeoises, de ces exploiteurs, ces sangsues de la classe ouvrière et des honnêtes gens, je trouverai la demeure la plus somptueuse de l’un de ces bourgeois, je sauterai dedans, je chercherai le lit le plus luxueux et chaussé de mes bottes de Partisan couvertes de la boue de la Lika – je m’y allongerai et j’y dormirai. " (17)
Dans un article, Trèchgnic écrit que les listes portant les noms des personnes arrêtées et les informations de base les concernant, étaient transmises à l’OZNA de Belgrade, poursuivant: "Leur stylo allait à côté des noms et n'écrivait qu’un des deux mots : ‘Bagnitsa’ ou ‘à fusiller’... Nous, nous étions le tribunal, l’OZNA se chargeait du reste... Le plan était de tuer le plus possible de collaborateurs des occupants et d'opposants à la révolution. Cela fut réalisé avec succès". (18)
Trèchgnic remettait les listes retournées par l’OZNA de la ville au peloton d'exécution. "Le soir, il attache ensemble ceux désignés pour être fusillés et les emmène au quartier de Lisitchi potok ou au pré de Bagnitsa", écrit Trèchgnic.
Les chefs de l’OZNA en charge de Belgrade étaient à l’époque Slobodan Penezic ‘Kertsoune’ (octobre 1944), Miloch Minic (novembre 1944), Velko Micounovic (jusqu'en mars 1945) et Yovo Kapitchic (jusqu'à septembre 1945). (19)
La deuxième vague massive de massacres commença au cours de l’hiver 1944-1945. Rien que de cette vague "d’exécution des tâches", le KNOJ a laissé des documents sur l’assassinat de 585 personnes à Cuprija, 598 à Varvarine, 615 à Despotovatz, 750 à Paracine et 815 à Yagodina. (20)
À Kragouillévatz, ils ont exécuté tué le directeur du Lycée, Lazar Tiourtchic, et quatre autres professeurs de lycée - Svetislav Maksimovic, Jivota Todorovic, Kiro Sprenski et Anton Pavlitch - ainsi qu'un professeur de théologie, le Docteur Tiosav Matic.
Le professeur d'histoire Svetislav Maksimovic avait été défenestré du deuxième étage de l'ancienne prison - qui jouxtait le tribunal - par une brute notoire Stanko Matiachevic dit "le Loup", qui était apprenti boulanger avant la guerre mais à ce moment enquêteur en chef de l’OZNA.
Le directeur de la plus grande prison de Kragouillévatz, dans les sous-sols de la Kapislana, est justement devenu Aleksandar Jivaliévic ‘Tsoïa’ qui était l'un de ces détenus qui s’étaient emparés de la liberté dans le chaos de la guerre d'avril 1941 pour ensuite rejoindre les Partisans (il ne s’agissait pas de prisonniers politiques).
À Kragouillévatz, ils ont tué au moins 13 élèves et bacheliers du Lycée et d'autres collèges : Jivane 'Jiva' Kovanovic de Batotchina, Yovan Dinic, Bané Nikolic, Aleksandar Savic et Milan Lioubitchic de Kragouillévatz, Jivorade Jika Lekic de Resnik, Radmila Chpiliévic et Gora Dobrivoïevic de Loujnitsé, Milane Vassovic de Betsévitsa, Stamena Yovanovic de Toponitsa, Radmila Bojic de Badniévatse, Borisav Karovic de Grivatz et Sreten Stoyanovic de Guntsati.
Jiva Kovanovic, âgé de 15 ans, est passé directement de sa salle de classe à une salle d'audience improvisée dans l'hôtel "Dubrovnik", où une foule de membres du SKOJ (21), tous mauvais élèves, scandaient: "À Mort !".
Il fut tué la nuit même.
(Il a été réhabilité en 2008, par décision du tribunal d’instance de Batotchina.)
L'assassin de Yovan Dinic avait revendu son manteau de grande valeur.
Ils avaient ouï dire que Milan Vassovic chantait la chanson "Ô Roi Pierre, fine fleur nôtre, loin ils t’ont chassé". Il a été cruellement torturé et mutilé (ils lui avaient arraché les yeux, coupé les oreilles ainsi que les doigts et les orteils).
Borisav Karovic avait été chargé de lire un discours de bienvenue aux communistes, dans le bâtiment de l'école primaire du village de Grivtsi à l'automne 1944. Au lieu de "camarades" qu'il n'avait jamais entendu auparavant, il avait commencé son discours par la formule habituelle "frères et sœurs". Ils l’ont traîné de l’estrade jusque dans les caves de l'école et bestialement torturé. Il en est devenu lourdement handicapé et il mourut dans cet état en 1953.
Radmila Chpiliévic, Gora Dobrivoïévic et Radmila Bojic étaient membres du service de santé des jeunes de Ravna Gora, ainsi que probablement Staména Yovanovic âgée de dix-sept ans.
Les aspirants au certificat d’études du Lycée, Aleksandar Savic et Milan Lioubitchic, furent accusés à tort par des cancres de la classe de sixième d’avoir l’habitude de dessiner des croix gammées dans leurs cahiers. Les dessins n’ont pas été découverts, mais ils ont tout de même été exécutés. Le Docteur Douchane Ilic, dont le chandail était porté par Lioubitchic quand il fut fusillé (il le lui avait prêté ce soir-là), énumère les noms de ces cancres qui sont ensuite devenus fonctionnaires, diplomates et directeurs. (22)
Dans toute la Serbie, les meilleurs ont souffert tandis que les pires ont émergé.
D’après les instructions du mandat de l’OZNA chargée du district de Takovo daté du 24 avril 1945, les trois meilleures enseignantes ont été chassées du Lycée de Gorni Milanovatz. L’exposé des motifs les concernant était le suivant:
Dans le même temps, l’OZNA recommande que les professeurs aux mauvais profils soient conservés à leur poste. Pour Andia Andiélkovic, il est écrit dans l'exposé des motifs: "Corruptible, de caractère faible et conservatrice dans sa vision du monde et de la vie". Pour un autre professeur au profil souhaitable, Dobratchine Chochkic, l’OZNA indique: "Un homme pour qui à part l’eau-de-vie et la nourriture rien d’autre n’existe... C’est un peureux et indifférent à tout et tel quel il est désormais loyal". (26)
Outre pour les crimes de masse, des réactions étaient aussi provoqués par de nombreux autres agissements des communistes. Ils profanaient les églises, pillaient la population, interdisaient la propriété privée, étouffaient la démocratie...
De ce qu’ils ont pu piller, ils se sont assurés une vie confortable pour eux-mêmes, tandis qu’ils ont réduit à la mendicité la nation entière du jour au lendemain. L'écart entre riches et pauvres, diamétralement à l’opposée de la propagande communiste, n’a jamais été aussi prononcée que dans les premières années du règne de leur terreur.
En raison de tout cela, les communistes craignaient un nouveau soulèvement serbe.
La première mesure pour contrecarrer ce soulèvement fut de tuer les ennemis réels et potentiels de leur pouvoir.
Ce deuxième groupe de suspects fut systématiquement arrêté et torturé dans des casemates qui n’avaient jamais été si nombreuses.
La mesure ultérieure fut la mobilisation de masse. En Serbie 300 000 jeunes ont été mobilisés et envoyés au front sans formation militaire. En quelques mois, 80 000 jeunes Serbes avaient péri, la plupart en Croatie, tandis que les unités des Partisans composées de Croates étaient tenues à l'écart des principaux fronts. Les pertes de certaines unités composées de recrues de serbes atteignaient jusqu’à 47 pour cent. (27)
Le Docteur Milan Grol, alors membre du gouvernement provisoire à Belgrade, fit savoir à l'ambassadeur américain Patterson le 21 mars 1945: "Tito a fait de Belgrade sa forteresse et y a installé ses meilleures troupes, tandis que des enfants dépourvus d’équipement sont envoyés au front". (28)
Ainsi, les communistes avaient réussi à combiner la mobilisation de masse et les assassinats systématiques. Il n’y avait aucune raison militaire pour ces énormes pertes. Elles n’étaient que la conséquence du comportement d’un occupant dans un pays sous occupation. En comptant ceux qui ont été tués directement et indirectement, les communistes ont envoyé à la mort plus de 200 000 Serbes.
Ceux qui n'avaient pas été fusillés, ou emmenés dans un camp de concentration, dans une prison ou une caserne étaient envoyés à des soi-disant actions laborieuses volontaires. Au début, les "volontaires" furent emmenés dans les mines et les forêts, puis ensuite sur d'autres chantiers de construction à travers le pays. À la fin de 1944, au cours des années 1945 et 1946, les communistes gardaient constamment dans les prisons, les camps, les casernes et aux travaux forcés plus d'un demi-million de Serbes.
Toutes ces mesures avaient l’objectif suivant : il ne devait rester aucun homme apte à porter des armes dans une agglomération serbe, et encore moins dans les campagnes, car tous étaient des insurgés potentiels. Les communistes ont réussi à atteindre leur objectif dans une large mesure, mais éclata alors ensuite une épidémie de famine : il n'y avait plus personne pour cultiver la terre. Néanmoins, la famine ne les avait pas poussée à relâcher les paysans des prisons, des camps et des casernes. Au lieu de cela, ils mirent en œuvre le ainsi-nommé régime de rachat forcé, dont ils usèrent pour piller sous peine de mort les réserves restant de nourriture. Ainsi, une nouvelle vague de terreur avait été entamée. L'épidémie de famine parmi la population fut encore intensifiée et la mortalité s’était accrue.
Le peuple serbe fut le plus touché par les mesures prises par les communistes pour conserver le pouvoir sur une longue période. C'est la méthode dite des janissaires, qu'ils appliquèrent immédiatement aux enfants, pour l'étendre progressivement, au fil du temps, à la nation toute entière. Il s'agit d'une méthode qui consiste à effacer chez les enfants la conscience de leurs origines et de leur éducation, afin de la remplacer par les informations nouvelles qu’on souhaite leur inculquer. C’est ainsi que les Ottomans, au nom du tribut du sang, emmenaient de jeunes Serbes et en faisaient leurs meilleurs soldats et ennemis des Serbes.
Les nouvelles générations se sont vues coupés de toute possibilité d’entendre la vérité sur eux-mêmes et leurs origines. Les programmes scolaires, les moyens d'information, les contenus culturels, les manifestations touristiques et tout le reste qui pouvait servir à la propagande a été mis en adéquation à cet objectif. On a présenté aux enfants l'idée que, eux, les communistes, étaient les meilleurs personnes au Monde et que le Monde avait été même établi de telle sorte que, à son stade le plus élevé de développement il soit amené à les produire, eux, les communistes, puis à les conserver ensuite à tout jamais. La propagande envers les enfants était complétée par la terreur envers les adultes. À mesure que les enfants grandissaient, le besoin de terreur diminuait.
Trois décennies et demi plus tard, des générations de janissaires communistes pleuraient massivement aux funérailles de l'un des plus grands meurtriers de leurs pères et grands-pères - Josip Broz Tito. Trois décennies après la mort du dictateur, les conséquences de la méthode des janissaires se font encore lourdement sentir. (29)
SOURCES, PRECISIONS ET REMARQUES :
1 S. Avramov, "La guerre post-héroïque de l'Occident contre la Yougoslavie" p 119 [publié en serbe "Постхеројски рат запада против Југославије", Belgrade 2008 Ed. Igam].
D’après la déclaration de l'historien croate Douchane Bilandjic lors de la table ronde "Pavelic, Tito, leur contribution à l'État croate". Le rapport de cette table ronde a été publié dans "Globus" (Zagreb, 28 janvier 1994). Bilandjic faisait partie de ces Croates qui avaient été amenés à Belgrade après la "libération", parce qu'il n'y avait pas suffisamment de sympathisants du Parti communiste yougoslave dans la capitale. Lors de cette même table ronde, Bilandjic a également rapporté la réponse que fit Tito quand on lui avait fait remarquer que la Constitution de 1974 "réduirait la Serbie à la taille du pachalik de Belgrade". La réponse de Broz fut: "Mais c'est exactement ce que je veux."
2 R. Vouktchévic, "Devant l’effroyable tribunal", pp. 33-34 [publié en serbe "На Страшном Суду - Михаиловићево Суђење, Трагедија Срба и Југославије", Chicago 1968 Ed. CIKD].
3 P. Simic, "La Serbie, pays inexplicable", p 120 [publié en serbe "Србија земља необјашњива", Belgrade 2003 Ed. Filip Visnjic.
4 "Tout pour la Victoire", numéro du 19 octobre 1945.
5 B. Dimitrijévic, "Guerre civile en temps de paix", p 51 [publié en serbe "Грађански рат у миру", Belgrade 2003 Ed. Srpska rec].
6 B. Dimitrijévic, "Guerre civile en temps de paix", p 50
7 OZNA : "Odeljenje za Zaštitu NAroda" littéralement "Bureau pour la défense du peuple" – NdT
8 KNOJ : "Korpus Narodne Odbrane Jugoslavije" littéralement "Corps de la défense populaire de la Yougoslavie" – NdT
9 P. Simic, "La Serbie, pays inexplicable", p 120-121.
10 "Tout pour la victoire", numéro du 19 juillet 1945.
11 À propos du crime commis à Divtsi:
Déclaration de Lioubomir Rafaïlovic, témoin oculaire du crime, faite à l'auteur de ce texte. Dans le livre "Liste sanglante des crimes communistes", publié à Belgrade en 1942, il est écrit à propos du meurtre de Vesséline Petrovic commis le 30 septembre 1941: "Ils lui ont d’abord découpé le corps morceau par morceau, puis ils lui ont ensuite coupé la tête avec une scie". Le livre indique ensuite que dans la cour de la maison du village de Dupljaj, dans laquelle était établi le quartier général de Yosip Mayer, les miliciens de Nedic ont déterré 33 cadavres mutilés ("Liste sanglante des crimes communistes", pages 58-59 réédité en serbe "Крвава листа комунистичких злочина у Србији", Kragouillévatz 1998, Ed. Pogledi). Lors de sa rencontre avec Draja Mihaïlovic au village de Brayici les 26 et 27 octobre 1941, Josip Broz Tito reniait les détachements commandés par Borota et Levi, parce qu'ils étaient notoirement connus pour leurs crimes (S. Jivanovic, "La Troisième Insurrection serbe", livre Trois pp 44-45, [publié en serbe "Трећи српски устанак", Kragouillévatz 2000, Ed. Pogledi).
12 R. et J. Knejevic, "La liberté ou la mort", p 395 [publié en serbe "Слобода или смрт", Seattle USA, 1981 Autoédition].
13 P. Simic, "La Serbie, pays inexplicable", p 122.
14 "Pogledi", numéro 268, septembre 2005.
15 P. Simic, "La Serbie, pays inexplicable", pp 120-124.
16 et 17 "Vecernje novosti", quotidien du 4 novembre 2006 et du 16 décembre 2006.
18 B. Dimitrijévic, "Guerre civile en temps de paix", pp 48-49. D'après l'article de Trèchgnic "La libération de Dedigné" publié dans le magazine "Круг" ["Le cercle"] en 1998.
19 B. Dimitrijévic, "Guerre civile en temps de paix", p 48.
20 P. Simic, "La Serbie, pays inexplicable", pp 120-137.
21 SKOJ : les Jeunesses communistes yougoslaves – NdT
22 À propos des victimes du communisme à Kragouillévatz:
Dans son livre "Sur la piste des crimes" [”На трагу злочина”], Slobodan Cirovic énumère les noms d'environ 300 victimes du district de Grouja, ainsi que des habitants de Kragouillévatz les plus connus assassinés; le feuilleton "La tragédie de Kragouillévatz en 1944" publié dans l'hebdomadaire "Svetlost" entre août 2009 et juin 2010, donne une liste partielle de 1 075 noms de victimes des communistes du district de Kragouillévatz, dont 32 ecclésiastiques du diocèse de Choumadia. Aussi bien dans le livre que dans le feuilleton susmentionnés, pour chaque nom est précisée la source de l’affirmation.
23 NOB : acronyme de "Narodno-Oslobodilacka Borba" littéralement ‘Front de libération populaire’ expression que les Partisans communistes utilisaient pour qualifier publiquement leurs actions – NdT.
24 NOP : acronyme de "Narodno-Oslobodilacki Pokret" littéralement ‘Mouvement de libération populaire’ nom officiel que se sont donnés les Partisans communistes – NdT.
25 et 26 G. Davidovic, M. Timotiyévic, "Le passé assombri", livre 3, pp 185-186 [publié en serbe "Затамњена прошлост", Cacak 2002, Ed. Musées nationaux].
27 P. Simic, "La Serbie, pays inexplicable", pp 150-151.
28 R. et J. Knejevic, "La liberté ou la mort", p 445.
29 La méthode des janissaires a aussi consisté à envoyer 10 000 enfants en Bulgarie et 20 000 enfants en Union soviétique, fin 1944, "pour y être éduqués dans l'esprit communiste". (R. et J. Knejevic, "La liberté ou la mort", pp 395-396; rapports du général Draja Mihaïlovic, selon le quotidien "Borba"). Parmi les garçons et les filles envoyés en Bulgarie se trouvait Boudimir Boudisavliévic, né en 1934 à Borika près de Rogatitsa. Avec son frère et sa sœur - Slavko et Dobrinka - et ses cousins Radoïé et Vitomir, il s'est d'abord retrouvé dans des centres pour enfants réfugiés dans la Serbie de Nedic, puis, à l'arrivée des communistes, dans un internat à Sofia en Bulgarie. Dans la capitale bulgare, les enfants furent soumis à de cruelles tortures. On les affamait, les maltraitait, insultait leur "mère tchetnik" et leur "roi serbe". Tous les enfants du groupe de Boudimir eurent les cheveux arrachés après qu’on leur avait versé de la cire brûlante sur le crâne qui était ensuite détachée. Ils ont été renvoyés en Serbie au bout de huit mois. Certains d’entre eux ont vu leurs cheveux en partie repousser, comme pour Boudimir, et pour d’autres plus du tout. Boudimir et ses quatre proches ont plus tard développé une tumeur au cerveau ou dans la région de la tête. Seul Boudimir a pu en être soigné, les autres sont morts prématurément. Une jeune fille de Borika - Nevenka Perendia - sombra dans la dépression lors de sa puberté à cause de sa calvitie totale. Elle finira par se suicider en sautant sous un train en 1955 à Nova Pazova. (Déclaration de Boudimir Boudisavliévic de Nova Pazova faites à l'auteur de ce texte).
D’après les déclarations de Siméon Nikolov de Sofia, en Bulgarie, les enfants étaient d'abord examinés par une commission médicale et un dossier médical a été ouvert pour chaque enfant. "Beaucoup de ces enfants avaient été victimes de violence déjà en Yougoslavie. Sur certains d’eux, on avait décelé des stigmates de brûlures de cigarettes sur le corps. Certains avaient eu un œil arraché. La majorité des enfants était dans un état de dépression... Tous les enfants n'ont pas été renvoyés en Yougoslavie, certains sont restés en Bulgarie jusqu'à la fin. La Yougoslavie refusait de reprendre les enfants dont les séquelles psychologiques étaient incurables. Ils sont morts dans des cliniques bulgares ou, plus tard, dans des maisons de retraite", révèle Nikolov. Il affirme également que les Bulgares se comportaient bien avec tous ces enfants. Il cite l'exemple de deux enfants, les sœurs Militsa et Milena Stefanovic, ou Stepanovic, qui avaient été adoptées par un couple marié, le Dr Ivanka et le Dr Lioubomir Petrov. Devenues adultes, Militsa et Milena retournèrent en Serbie, mais l'ambassade yougoslave à Sofia ne les avait pas autorisée à emporter le moindre objet en souvenir de Bulgarie. Plus tard, elles retournaient rendre visite à leurs "parents" bulgares. (Déclaration de Siméon Nikolov de Sofia à l'auteur de ce texte. Siméon est né en 1936. Enfant, il s’était lié d’amitié avec Militsa et Milena)
Contrairement à la Serbie, l’histoire de ces 10 000 enfants serbes est très connue en Bulgarie. Un film documentaire sur l'arrivée de ces enfants peut être trouvé sur Internet, si vous tapez sur Google en bulgare "братски прием на југославските деца" ["accueil fraternel des enfants yougoslaves" - NdT], sachant qu'il faut utiliser la lettre bulgare, c'est-à-dire russe "ю", à la place de "ju". Sur Internet, on peut également trouver un article émouvant du Docteur Penka Damianova sur ces enfants. Penka a passé la guerre avec les Partisans et dans les prisons bulgares. C'est le médecin en blouse blanche que l'on voit dans le film évoqué ci-dessus à l’occasion de l’arrivée des enfants à Sofia. Dans son livre "Souvenirs de diverses places et années", ["Спомени за разни места и години"] au chapitre "Pour une photo manquante" ["За една изчезнала снимка"], Damianova écrit que les enfants sont tombés malades de la teigne, une maladie infectieuse qui provoque la chute des cheveux, également appelée "maladie de la Bosnie". Penka parle avec affection des enfants qu’elle a traités durant deux ans en Bulgarie. L'article se termine par sa participation à un rassemblement à Sofia en 1992 contre les bombardements de l'OTAN visant les Serbes en Bosnie-Herzégovine.
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