LE ROYAUME N'AVAIT PAS CAPITULÉ
Si on admet le fait que le Royaume de Yougoslavie n’avait pas capitulé en 1941, mais qu’il disposait de son Roi, d’un gouvernement et de son armée pendant toute la durée du conflit, la thèse selon lequel il y aurait eu « deux mouvements de résistance » pendant la Seconde Guerre mondiale en Yougoslavie tombe automatiquement à l’eau. C’est là qu’on s’aperçoit que ce dogme a été pensé afin de tenter de réhabiliter le mouvement communiste en Serbie, au moment où il s’était effondré partout dans le monde.
Par Miloslav SAMARDJIC
Traduction du serbe et adaptation de l’article publié dans le numéro de septembre-octobre 2011 dans «Serbian Newspaper», bulletin de la "Organization of the Serbian Chetniks of Ravna Gora" de Chicago (USA)
Encore de nos jours, quand d’aucun évoque la Seconde Guerre mondiale en Yougoslavie, cela commence souvent par: «Après la capitulation de la Yougoslavie le 17 avril 1941…». Cette phrase, qui se diffuse de livres d’histoire en manuels scolaires chaque année, est toujours considérée comme un fait indiscutable et représente en pratique une sorte de pierre angulaire des travaux concernant la Seconde Guerre mondiale dans les Balkans. C’est ainsi qu’a pu être forgée à notre époque plus récente une thèse - celle de 'deux mouvements de résistance'. D’après celle-ci : puisque la Yougoslavie avait capitulé, tout un chacun qui le souhaitait avait le droit d’organiser sa «résistance», chacun avec d’égales prémisses sur le plan légal. En d’autres termes, les «deux mouvements de résistance» dès l’émergence de chacun d’eux revendiqueraient un droit également légitime à l’exercice de la souveraineté de l’État.
Mais si on admet la situation factuelle selon laquelle le Royaume de Yougoslavie n’avait pas capitulé et disposait de son Roi, d’un gouvernement et d’une armée pendant toute la durée du conflit, alors ce dogme des «deux mouvements de résistance» pendant la Seconde Guerre mondiale tombe à l’eau. Il faut, de ce fait, observer les choses sur la base des lois du Royaume: il existait une armée - l’armée régulière yougoslave - et toutes les autres formations armées sur le sol du Royaume étaient soit des troupes d’occupation soit des forces d’une cinquième colonne, c’est-à-dire des associations de malfaiteurs.
Le but du dogme des «deux mouvements de résistance» est une tentative désespérée de réhabilitation du mouvement communiste en Serbie, à une époque où ses équivalents sont à l’agonie partout dans le monde. Insidieusement, cette réhabilitation est réalisée sous couvert de la «réhabilitation du Mouvement de Ravna Gora»1. La question principale est approchée par le sens opposé: si le «Mouvement de Ravna Gora» est juridiquement mis sur un pied d’égalité avec le «Mouvement Populaire de Libération»2, ce dernier ne sera pas jeté dans 'les poubelles de l’Histoire', mais verra au contraire sa légitimité et légalité automatiquement reconduite, dans tous les aspects concernés par ces sujets.
En résumé, le Royaume de Yougoslavie n’avait pas capitulé en 1941. Après la rupture des fronts principaux, afin de gagner du temps, le Commandement suprême de l’armée yougoslave a habilité une délégation, menée par le général Danilo Kalafatovic, pour «uniquement négocier une trêve, mais ne pas la signer». Par conséquent, la délégation n’avait pas le pouvoir de signer une éventuelle trêve, et encore moins une capitulation, laquelle ne lui avait pas même été mentionnée.
Avant que le moindre pourparler ait pu avoir lieu, le général Kalafatovic et ses collaborateurs ont été faits prisonniers par les Allemands, le 15 avril, à Sarajevo. De facto, son mandat a automatiquement été annulé, puisque, d’après les Conventions internationales sur les prisonniers de guerre, les prisonniers ne peuvent représenter personne et ne peuvent être des négociateurs.
Les Allemands ont tout de même emmené Kalafatovic à Belgrade pour entamer avec lui des pourparlers pour «une trêve des combats». Ils avaient à peine prêté l’oreille à ses arguments pour immédiatement rédiger un document, annonçant qu’il ne serait valide qu’en langue allemande – ce qui est aussi par essence une négation de sa validité. Les points les plus importants de ce document allemand énoncent ce qui suit :
«Une trêve est conclue entre le Royaume de Yougoslavie et les puissances de l’Axe. Elle prendra effet le 18 avril à midi. La trêve est conclue sous les conditions suivantes :
Par la signature de cet Accord pour la trêve, les forces armées yougoslaves doivent capituler sans conditions et seront emmenées dans des camps de prisonniers de guerre… Les soldats, qui, après la conclusion de cette trêve et la mise en œuvre du rassemblement, s’éloigneraient de leurs unités armées, se verront appliquer la peine de mort …»
Puisque les règles de la capitulation de l’État et de l’armée étaient déjà transgressées, l’interprétation de ce document n’est qu’une chose purement formelle. Par exemple, puisque les Allemands avaient appelé ce document accord pour une trêve, le déterminant de la capitulation sans conditions des forces armées peut aussi être interprété comme une reddition sans conditions, et non comme une capitulation dans le sens juridique du terme.
De toute façon, l’essentiel est que le général Kalafatovic avait refusé de signer ce document, mais sous la contrainte il a été forcé de désigner des représentants qui poursuivraient les pourparlers à sa place. C’était encore un élément qui dans son essence même rendait ce processus nul et non avenu. En effet, en tant que prisonnier de guerre, le général Kalafatovic ne représentait pas le Royaume de Yougoslavie, et il ne pouvait ainsi décider de nommer des représentants qui seraient en mesure de faire quoi que ce soit au nom du Royaume. Et derrière cet acte illégal un autre lui a succédé : le général Radivoïé Markovic, que le général Kalafatovic avait 'désigné', était aussi prisonnier de guerre. Le second 'désigné' était Alexandre Tsintsar-Markovic3, qui était à ce moment-là un homme politique sans fonction. Qui plus est, il n’était plus en fonction depuis le 27 mars, précisément parce que deux jours plus tôt il avait signé avec les Allemands l’adhésion au Pacte tripartite en tant que ministre des Affaires étrangères du Royaume de Yougoslavie…
Quoi qu’il en soit, les Nazis se sont tout de suite mis à placer dans les opinions publiques le slogan «C’est la fin de la Yougoslavie», mais seuls les communistes y avaient adhéré – puisque, à ce moment-là, ils étaient toujours les alliés des Nazis. D’une «fin de la Yougoslavie» dans son sens juridique et formel, il n’en fut pas question, pas même dans les documents des Puissances de l’Axe, car le porteur de la souveraineté, le Roi Pierre II, n’était pas entre leurs mains, et même le gouvernement yougoslave leur avait échappé. L’Occupant, en réalité, n’avait pas réussi à emmener dans les camps de prisonniers toute la force armée, laquelle continuait d’agir tant au pays qu’à l’étranger.
La capitulation ne lui ayant pas même effleuré l’esprit, le Roi Pierre II Karageorgévitch annonce, dans son allocution sur la nécessité de quitter temporairement le pays, entre autres :
«Contraint, devant un ennemi bien plus puissant, de quitter le sol national, Je n’envisage pas de cesser le combat. L’honneur du drapeau est sauf, mais la liberté de la Nation est en danger. J’appelle mon cher peuple à ne pas se décourager sous les coups du destin et à conserver la foi en l’avenir… Convaincu que Dieu protégera notre juste cause, je scande : Vive la Yougoslavie et sa liberté!»
Cette situation de fait avait été acceptée par tous les pays hors du bloc de l’Axe, puis, après le 22 juin 1941, c’était aussi le cas de l’Union Soviétique. Le ministre des Affaires Étrangères britannique, Anthony Eden avait annoncé dès le 16 avril 1941 à l’ambassadeur yougoslave à Londres son «espoir que le gouvernement yougoslave, même hors du pays, continuera la lutte aux côtés de ses alliés l’Angleterre et la Grèce, et celui-ci reste aux yeux du gouvernement britannique le représentant légitime du Royaume de Yougoslavie et que la Yougoslavie participera à la victoire finale».
La même situation juridique existait dans les cas de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et des autres pays occupés. Comme le Royaume de Yougoslavie, aucun de ces pays n’avait signé de capitulation. On considérait que l’occupation n’était qu’une situation temporaire et qu’à la libération, les choses rentreront dans l’ordre. Dans l’éventualité d’une occupation de la Grande Bretagne, la solution de repli envisagée pour tous ces gouvernements avait été le Canada.
Malgré cela, bravant les faits, les manuels scolaires d’Histoire contiennent toujours ce genre de phrase: «Après la capitulation de la Yougoslavie, le colonel Mihaïlovic avec un groupe d’officiers et de sous-officiers a percé jusqu’à la Ravna Gora et a créé le Mouvement de Ravna Gora».
En vérité, si le colonel Mihaïlovic avait créé le «Mouvement de Ravna Gora» cela aurait représenté un acte de trahison, de la même façon que la création du «Mouvement de Libération Populaire» était un acte de trahison.
Mihaïlovic s’était, en réalité, conformé aux dispositions de la loi, en créant le Commandement des Unités Tchetniks de l’Armée yougoslave. Cette solution, la guérilla (en serbe: ‘’le mode de guerre tchetnik’’ - NdT), avait été préalablement prévue en cas de rupture des fronts principaux.
Le Commandement suprême de l’Armée yougoslave se trouvait à ce moment-là sur le sol des alliés, avec une partie de ses troupes. Quand on a su que sur le sol yougoslave se trouvaient encore de nombreuses troupes yougoslaves, et, qu’à ce moment, encore plus nombreuses étaient les troupes dans les camps de prisonniers de guerre, on a constaté que l’Armée yougoslave était réparties en trois catégories: l’Armée yougoslave dans la Patrie, l’Armée yougoslave en exil et l’Armée yougoslave en camps de prisonniers.
Le Commandement des Unités Tchetniks de l’Armée yougoslave de Mihaïlovic avait ensuite été renommé en Commandement de l’Armée yougoslave dans la Patrie, pour devenir en juin 1942 le Commandement suprême de la totalité de l’Armée yougoslave.
Entre-temps, le colonel Draja Mihaïlovic avait été promu au grade de général et nommé ministre de la Guerre du Royaume de Yougoslavie. Le Commandant suprême était pendant tout ce temps le Roi Pierre II, et le général Draja Mihaïlovic était chef d’état-major du Commandement suprême.
Pendant l’état de guerre, les partis politiques pouvaient uniquement faire de la «propagande patriotique». Pour le renforcement de cette propagande, le général Draja, à l’été 1941, forme avec les chefs de plusieurs partis politique le CCN - «Comité Central National du Royaume de Yougoslavie» (et non le «Mouvement de Ravna Gora» comme c’est souvent improprement indiqué), pour un rôle consultatif.
À partir du printemps 1943, le général Draja tend à faire intégrer au CCN les représentants de tous les partis politiques démocratiques du pays, ainsi que toutes les associations apolitiques. Cette proposition a été transmise aux hommes politiques et aux chefs de file apolitiques à Belgrade par les agents clandestins tchetniks.
Les partis politiques avaient discuté de la proposition jusqu’en décembre 1943. Le processus avait pris beaucoup de temps, puisqu’il fallait manœuvrer pour éviter les chasses à l’homme allemandes, c’est dire si l’activité se déroulait dans le plus grand secret.
La conclusion était la même pour tout le monde: il fallait continuer la coopération avec le général Draja Mihaïlovic. Pour le développement des travaux en ce sens, un comité inter-partis a été formé et chaque parti politique y a délégué deux représentants. Pour présider ce comité, leurs membres ont élu le Dr. Jivko Topalovic, Président du Parti Socialiste de Yougoslavie ainsi que de l’Union des Syndicats ouvriers de Yougoslavie.
Toute cette coalition a été baptisée «Communauté des Partis démocratiques» et elle comprenait aussi bien des partis du gouvernement que ceux de l’opposition.
En d’autres termes, il s’agissait d’une coalition de tous les partis politiques démocratiques qui avaient un tant soit peu d’importance dans le pays jusqu’à l’invasion allemande. Des régions serbes du Royaume4, la coalition ne comprenait pas le Parti communiste, ni le Mouvement «Zbor»5 de Dimitrié Liotic, pour leurs programmes non-démocratiques et, bien entendu, du fait que les membres de ces deux partis combattaient l’armée régulière yougoslave. De même, la Communauté n’avait pas accepté en son sein les hommes politiques qui collaboraient avec les occupants, dont les plus connus étaient le Dr Lazar Markovic (du Parti Radical Populaire) et le Dr Kosta Kumanudi (du Parti Démocrate).
À titre d’illustration: des 120 membres du Comité central du Parti démocrate, 100 se sont manifestés dont les deux tiers favorablement à la proposition émise de poursuivre la coopération avec le général Draja Mihaïlovic (le tiers restant, qu’on appelait ‘les banquiers’, estimait qu’il valait mieux «ne pas créer de difficultés à Nedic»). Ce parti avait désigné comme délégués au comité inter-partis le Dr Mihaïlo Kujundjic, qui avait été le dernier Président de l’Assemblée Nationale du Royaume de Yougoslavie avant l’invasion allemande, et le magistrat Branislav Ivkovic. Mais comme Kujundjic se trouvait à ce moment à Skopje, c’est le pharmacien Dragolioube Lazic qui a été désigné pour le représenter à Belgrade.
Concernant les Slovènes, le problème était aisément résolu, puisque les représentants des socialistes et des cléricaux - leurs plus grands partis - avaient trouvé refuge à Belgrade. Chacun d’eux avaient accepté la coopération. Par contre, personne n’avait pu représenter les Croates, puisqu’à Belgrade ne se trouvait qu’un seul de leurs meneurs politiques au sentiment pro-yougoslave, mais il avait peur de se voir reprocher par Milan Nedic un quelconque activisme, ce qui aurait pu décider ce dernier à l’expulser vers Zagreb.
Une fois qu’ils s’étaient mis d’accord, ces hommes politiques ont mandaté leur délégué, le Dr Jivko Topalovic, pour se rendre à l’état-major du général Draja Mihaïlovic, qui se trouvait à ce moment, en décembre 1943, dans la région de Ljubovia près de la rivière Drina. Le général Mihaïlovic avait suggéré aux hommes politiques qu’ils organisent un grand Congrès national. À son retour à Belgrade, Topalovic avait rendu compte au Comité inter-partis des accords avec Draja, puis les membres de ce Comité avaient informé leurs partis politiques respectifs. Tous avaient soutenu l’idée de la tenue d’un Congrès, désignant ceux de chaque région qui s’y rendront au nom de leur parti (le lieu était à ce moment toujours tenu secret).
Le Mouvement de Ravna Gora, en tant que corps apolitique, avait été créé par le général Draja Mihaïlovic justement à cette période, par ordre du 25 décembre 1943. Son rôle aussi était concentré sur «la propagande patriotique», quant à lui conférer des pouvoirs exécutifs et législatifs - il n’en était pas question, parce que cela aurait été totalement illégal.
À la rencontre organisée au village de Ba, près de la Ravna Gora, pour préparer la tenue du Congrès, le 26 janvier 1944, les représentants de deux partis politiques, le Dr Jivko Topalovic et le magistrat Branislav Ivkovic ainsi que trois membres du Mouvement de Ravna Gora: le Dr Stevan Moliévic, l’académicien Draguicha Vassic6 et le Dr Djura Djurovic ont intégré le comité préparatif du Congrès.
272 délégués ont participé au Congrès. Leur appartenance politique était la suivante : 80 du Parti Démocrate, 50 du Parti Radical Populaire, 20 du Parti Paysan serbe, 15 de la Communauté Radicale yougoslave, 13 du Parti National yougoslave, 6 du Parti socialiste, 6 du Parti Ouvrier indépendant, 4 du Parti Démocrate autonome, 3 du Parti Républicain, 1 du ‘groupe Marko Davidovic’, 27 sans étiquette et pour 47 d’entre eux leur appartenance est inconnue.
Parmi ces délégués, les plus nombreux étaient paysans – 127. Viennent ensuite des fonctionnaires d’État (41), des commerçants (18), des avocats (14), des prêtres (9), des médecins (6), des économistes et agronomes (6), des ingénieurs (5), des retraités (5), des employés du privé (4), des étudiants (3), des journalistes (3), des industriels (2), des pharmaciens (2), des juristes (2), puis un artisan, un photojournaliste, un sénateur, un député et le ban d’une banovine. La profession reste inconnue pour 20 délégués.
Le Congrès a été déclaré ouvert à l’aube du 27 janvier 1944, jour de la Saint Sava dans le calendrier de l’Église orthodoxe serbe, ce pourquoi le Congrès entrera dans l’Histoire comme le «Congrès de la Saint Sava».
Le lendemain, 28 janvier, des débats ont eu lieu concernant l’état général du pays et de la proposition de résolution à adopter. Des délégués de toutes les régions du pays se manifestaient pour condamner l’activité des Occupants, des Oustachis, des communistes et des miliciens de Liotic.
Vers 13 heures, la résolution7 a été soumise au vote. Tout le monde l’a adopté. Il restait à élire le comité d’organisation qui aura pour mission d’élargir le Comité Central National du Royaume et son bureau exécutif pour inclure les membres représentants de la Communauté des Partis démocratiques qui, dans la foulée, a été renommée «Communauté Populaire Démocratique Yougoslave».
Un des délégués a proposé que soient intégrés au comité d’organisation le Dr Jivko Topalovic, le Dr Stevan Moliévic et l’académicien Draguicha Vassic, ce qui a été adopté à l’unanimité. Le rôle du Comité Central National élargi, et en particulier de son bureau exécutif, était de conduire «les affaires politiques tant que le fonctionnement du gouvernement ne soit convenablement restauré». Le Congrès avait le pouvoir de remplacer le gouvernement en exil, lequel dans la pratique ne servait qu’à «la représentation de l’État à l’international», mais cela n’avait pas été fait afin de ne pas produire d’incidents «avec le Roi, avec les Alliés et avec le gouvernement yougoslave».
En réalité, le Roi de même que le gouvernement en exil auraient probablement reconnu le nouveau gouvernement, mais on craignait la décision des Alliés occidentaux. La situation sur le terrain à ce moment était que les Alliés, et avec eux l’Union Soviétique, reconnaissaient officiellement le gouvernement yougoslave en exil, mais ils mettaient tout en œuvre pour le détruire. Si le Congrès avait remplacé le gouvernement à ce moment-là, les Alliés occidentaux l’auraient certainement accueilli avec joie… pour probablement ne pas reconnaître le nouveau gouvernement, puisqu’ils travaillaient déjà à reconnaître un gouvernement communiste illégal.
En somme, au Congrès de Saint Sava, le Bureau exécutif du Comité Central National a été érigé en une sorte de gouvernement de rechange. Quand les Britanniques ont forcé à la destruction du gouvernement yougoslave légal et mis au poste de Premier ministre Ivan Subasic, le Bureau exécutif du CCN est de facto devenu le seul gouvernement yougoslave légal. Comme Président du Bureau exécutif du CCN, en pratique - du Premier ministre du nouveau gouvernement, a été élu le Dr Stevan Moliévic et comme secrétaire le Dr Djura Djurovic. Le Président du Comité Central National (donc de fait de la nouvelle Assemblée nationale) est devenu le Dr Mihaïlo Kujundjic qui, était alors arrivé de Skopje pour participer au Congrès, dans le secteur de la Ravna Gora.
L’histoire officielle évite encore de nos jours d’expliquer la raison pour laquelle le général Draja Mihaïlovic continuait d’utiliser la qualité de ministre pour signer ses documents, même après la constitution du « gouvernement Subasic » à Londres en juin 1944. Et bien tout simplement parce qu’il était bien ministre – dans le gouvernement de Stevan Moliévic.
L’histoire officielle évite aussi soigneusement de citer l’intégralité de l’intitulé du 'gouvernement Subasic': «Gouvernement provisoire yougoslave». Ce gouvernement était provisoire – au sens juridique nul et non avenu, puisque le gouvernement précédent, avec à sa tête le Dr Bojidar Puric, avait refusé de le soutenir. C’est la raison pour laquelle le processus de la recherche de la légitimité et légalité de ce «gouvernement» a été long. Sur le plan intérieur, sur le sol yougoslave, il n’a jamais obtenu ni légitimité ni légalité, puisque les élections du 11 novembre 1945, qui s’avéreront être les dernières pour les 45 années à venir, étaient illégales et seul le Parti communiste participait, avec seulement deux options - pour ou contre – et le vote n’était pas porté sur des bulletins de vote, mais par des billes en caoutchouc qu’il fallait déposer dans une des deux «urnes» mises à disposition des «électeurs» et seuls les communistes faisaient le «dépouillement». La légitimité et légalité du gouvernement communiste sur le plan international commençaient, elles, à venir après sa séance du 29 novembre 1945 quand il a reçu la reconnaissance du Royaume Uni, puis d’autres États.
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Notes:
1 Le mouvement de Ravna Gora est souvent la façon dont est dénommé dans l’historiographie aussi bien occidentale que balkanique le mouvement dirigé par le colonel puis général Draja Mihaïlovic et dont les membres auraient été ses Tchetniks, en référence à la montagne éponyme de Ravna Gora au sud de Belgrade où il avait choisi d’établir son état-major après la rupture des principaux fronts lors de l’invasion par les puissances de l’Axe lors de la Guerre d’Avril.
2 Le mouvement de Libération populaire connu hors des Balkans comme le « Front de libération populaire » était l’appellation par laquelle les partisans communistes nomment leur mouvement de « résistance ».
3 Communément orthographié Cincar-Markovic.
4 Le Royaume de Yougoslavie était administrativement découpé avant la guerre en neuf banovines, dont six avaient une majorité d’habitants serbes.
5 Zbor est un parti politique pro-Allemand fondé par Dimitrié Liotic qui ne réussissait à recueillir au mieux que 1% des voix aux élections législatives avant la guerre et n’avait donc jamais eu de députés, et il s’est dès l’invasion allemande du 6 avril rangé dans la collaboration.
6 Souvent orthographiés Stevan Moljevic, Dragisa Vasic
7 Une analyse de cette résolution du Congrès de Saint Sava, très souvent manipulée et pourtant mal connue, fera l’objet d’une traduction prochainement.
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