INTERVIEW DE MILOSLAV SAMARDJIC paru dans «La Voix de la Russie», dans l'édition en langue serbe en 2013
La réhabilitation du général Mihaïlovic est-elle nécessaire ?
Miloslav Samardjic -
Et comment ! Elle est nécessaire parce qu’il a été condamné à la justice de Dieu, alors même qu’il se battait pour la liberté, la Justice, le respect de la loi, la Démocratie, contre les nazis autant que contre les communistes, et contre tout les ennemis du Royaume de Yougoslavie à cette époque. Et il n’a pas commis de crimes de guerre. En d’autres termes, il n’existe pas d’ordre de sa main qui soit compromettant, au contraire de Tito, qui, lui, est directement responsable de beaucoup de crimes de guerre. La réhabilitation est aussi nécessaire pour mettre en œuvre la débolchevisation de la Serbie. C’est notre plus lourd fardeau. Car, nous sommes contre les communistes, parce que le communisme, qui a divisé les territoires serbes, inventé des nationalités, était contre nous.
Pourtant, en parcourant les pièces historiques du mouvement Tchetnik, on se retrouve toujours confronté aux faits qui démontrent leur collaboration avec les fascistes ?
Miloslav Samardjic -
Laissez-moi vous énoncer un seul fait : la plus grande opération contre les forces de l’Axe sur le territoire de la Yougoslavie a été réalisée en septembre et octobre 1943 en direction de la mer Adriatique par les Tchetniks de l’Armée royale yougoslave, c'est-à-dire sous le commandement du général Draja Mihaïlovic. Au terme de celle-ci, 18.500 Tchetniks ont fait le siège de Sarajevo, qu’ils devaient libérer des Allemands et des Oustachis qui s’y trouvaient. A quelques heures de l’assaut final sur Sarajevo, Tito en personne arrive avec les 2ème et 3ème «corps de choc» de ses Partisans communistes qu’il envoie attaquer les Tchetniks dans leur dos, ce qui a, in extremis, sauvé les Allemands à Sarajevo de l’anéantissement. Les Allemands n’arrivaient pas à croire que ces Partisans qui se déplaçaient du secteur sous contrôle allemand jusqu’à l’arrière des lignes Tchetniks, s’y rendaient pour les attaquer. D’après leurs propres documents, ils étaient convaincus qu’au contraire ils allaient se joindre aux Tchetniks pour ensemble lancer l’offensive. Ils en étaient persuadés parce que dans les deux camps se trouvaient des officiers britanniques des missions militaires Alliées. Ces informations sont, ici en Serbie, soigneusement cachées, et il ne m’a été possible de les découvrir que dans les Archives fédérales en Allemagne, le BundesArchiv, à Fribourg-en-Brisgau. En somme, il n’existe aucune offensive des communistes contre les forces de l’Axe en Yougoslavie jusqu’à l’arrivée de l’Armée rouge. Pas une ! Leurs opérations offensives étaient systématiquement dirigées sur l’Armée royale yougoslave, c'est-à-dire contre les Tchetniks. A l’opposé, le général Mihaïlovic a accompli quatre offensives d’envergure contre les forces de l’Axe.
Le général Mihaïlovic a eu des contacts avec les Allemands, comme il y eut des contacts entre les partisans et les Allemands, en fait chaque faction armée avait des contacts avec les factions armées ennemies, mais de collaboration au sens répréhensible par la loi, le général Mihaïlovic n’en a pas eu. Au passage, la rencontre de plus haut niveau de toute la Seconde Guerre mondiale entre les forces de l’Axe et celui des Alliés est la rencontre entre le ministre plénipotentiaire d’Anté Pavelic, Nikola Rouchinovic et Josip Broz Tito en janvier 1943 dans un monastère catholique dans l’ouest de la Bosnie. Il s’avère qu’Anté Pavelic, chef de l’Etat Indépendant de Croatie de sinistre mémoire, a été directement en contact avec Josip Broz Tito. Voilà de la collaboration. Le but de celle-ci était le suivant : Pavelic a fait savoir à Tito que les Serbes ne doivent surtout pas arriver au pouvoir dans la Yougoslavie d’après guerre.
Les actions tchetniks s’étendaient bien au-delà du territoire de l’actuelle Serbie, et c’est pourquoi le fait que le procès en réhabilitation du général Mihaïlovic reprenne un 24 décembre, veille de Noël catholique a troublé beaucoup d’organisations associatives en Croatie, pays dont le gouvernement a plusieurs fois déclaré que la réhabilitation du leader tchetnik causerait des torts à la seule Serbie et représenterait un grand bond en arrière dans l’esprit antifasciste. Mais est ce qu’il pertinent de rappeler la déclaration de Monsieur Jeremic, ministre du gouvernement de Serbie il y a quelques années, qui a appelé le processus de réhabilitation de Draja Mihaïlovic affaires interne à la Serbie ?
Miloslav Samardjic -
En Croatie, les conditions pour une étude objective de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale dans les Balkans sont inexistantes. La plupart des Croates, musulmans et Albanais aptes au service militaire ont servi pendant presque toute la Seconde Guerre mondiale dans les forces armées de l'Axe à Hitler. Ils étaient sous le commandement d’Hitler jusqu’en avril 1945. Ils ont tiré profit de la politique communiste dans les Balkans pour passer dans le bloc communiste et ainsi échapper à la condamnation pour les crimes qu’ils avaient commis. De ce fait, le communisme a été leur salut. Et pour eux, l’historiographie communiste, la vision communiste de l’histoire représente encore aujourd’hui leur salut. Et c’est pour cela qu’ils seront toujours hostiles à Draja Mihaïlovic et opposés à sa réhabilitation.