LE 27 MARS 1941 – BELGRADE DIT NON À HITLER
Pourquoi l’un des gestes les plus avisés de l’élite serbe dans l’Histoire – le putsch du 27 mars 1941, est encore aujourd’hui sujet à suspicion ? Ce que tous les partisans de l’adhésion au Pacte Tripartite, signé à Vienne le 25 mars 1941, répètent à l’envie, ce sont les déclarations des officiels - allemands et yougoslaves - pensées de telle sorte qu’elles puissent être acceptées par l’opinion publique serbe. À cette époque, la manœuvre avait échoué.
Par Miloslav SAMARDJIC
Traduction du serbe de l’article publié le 10 mars 2019 dans la revue «Liberty» de la "Serbian National Defense" de Chicago (USA)
Le putsch* du 27 mars 1941 fait parti de ces événements de l’Histoire dont l’opinion publique dispose du moins d’informations. La raison est que ce 27 mars est, systématiquement et de façon persistante, d’articles de presse en travaux scientifiques, présenté comme l’une des pires erreurs dans l’Histoire serbe. Récemment, un docteur en Histoire, Kosta Nikolic, était même allé jusqu’à expliquer qu’après celle-ci la seconde plus grave 'erreur' était l’entrée de la Serbie dans la Première Guerre mondiale. Pour ces deux 'erreurs' – l’entrée de la Serbie dans les deux Guerres mondiales – il accusait l’élite serbe. Concernant le 27 mars 1941, il se serait agi des officiers serbes et des hommes politiques corruptibles qui auraient été les «agents des Anglais».
Les explications de cet historien avaient été diffusées par la presse écrite aux plus gros tirages. Et ainsi, cela se répète depuis des années.
La vérité est, évidement, que le 27 mars 1941 est justement l’évènement parmi les plus judicieux de l’élite politique et militaire serbe, et il est aisé de démontrer pourquoi.
Ce que tous les partisans de l’adhésion au Pacte Tripartite, signé à Vienne le 25 mars 1941, répètent à l’envie, ce sont les déclarations des officiels, allemands et yougoslaves, pensées de telle sorte qu’elles puissent être acceptées par l’opinion publique serbe. À cette époque, la manœuvre avait échoué. Mais hélas il semble que la manœuvre a réussi depuis, puisque, après plusieurs décennies de propagande, une grande partie de l’opinion publique a fini par mordre à l’hameçon.
L’hameçon était contenu dans deux notes officielles publiées à l’occasion de l’adhésion du Royaume de Yougoslavie au Pacte Tripartite.
La première note affirmait que l’Allemagne et l’Italie « respecteront toujours la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Yougoslavie ».
Dans la seconde note il était écris que les Puissances de l’Axe « n’adresseront pas pendant la guerre à la Yougoslavie de demande d’autorisation du passage ou du transfert de troupes par le territoire nationale yougoslave ».
Alors, pourquoi Hitler a-t-il pressé le Royaume de Yougoslavie, allant jusqu’à imposer ses conditions pour la date de l’adhésion, si en réalité il n’exigeait rien en retour? Bien entendu, il avait exigé quelque chose - en réalité: tout - ce qui peut se constater dans les notes secrètes, les accords annexes et les dispositions générales du Pacte tripartite.
Il y avait deux notes secrètes. La phrase la plus importante de la première était la suivante: « Considérant la situation militaire actuelle, l’Allemagne et l’Italie assurent le gouvernement yougoslave qu’elles n’ont pas l’intention de lui demander d’aide militaire ».
La phrase clé de la seconde note indique: « À l’occasion du redécoupage des frontières dans les Balkans, il sera accordé une attention particulière aux intérêts de la Yougoslavie pour une liaison terrestre avec la Mer Égée, l’élargissement de sa souveraineté sur la ville et le port de Thessalonique ».
Par ailleurs, les trois accords annexes étaient aussi considérés comme secrets :
- l’accord au sujet de l’intégration de l’économie yougoslave dans le système économique allemand,
- l’accord portant obligation pour la Yougoslavie de réprimer la propagande anti-allemande sur son sol,
- l’accord autorisant les véhicules allemands transportant le matériel de guerre et les blessés traverser le territoire yougoslave.
Les représentants du Royaume de Yougoslavie ont aussi apposé leur signature sur les dispositions générales du Pacte tripartite, selon lequel la Yougoslavie :
- «reconnaît la prééminence de l’Allemagne et de l’Italie dans la construction d’un nouvel ordre en Europe» (article 1)
- «s’engage» à l’assistance mutuelle avec les autres membres «par tous les moyens politiques, économiques et militaires» (article 3); implicitement, dans le sillage de l’article 1.
- s’engage à accepter la réalisation du Pacte tripartite, et notamment de son protocole, par le biais « d’une commission technique commune » (article 4); implicitement, aussi dans le sillage de l’article 1.
Par conséquent, par l’adhésion au Pacte tripartite le 25 mars 1941, le Royaume de Yougoslavie avait perdu sa neutralité. Par cette signature elle s’était jointe à l’un des camps en guerre – les Puissances de l’Axe. Le moment de l’entrée en guerre de la Yougoslavie était lié à son occupation de Thessalonique, c’est-à-dire prévu pour la fin mars 1941. Les opérations de guerre qui s’en seraient suivies dépendaient de la volonté de l’Allemagne et de l’Italie - et dit plus clairement: des ordres qu’ils auraient donné au Royaume de Yougoslavie. L’article 1 du Pacte tripartite signifiait que tous les États signataires renoncent à leur souveraineté, et par conséquent du pouvoir de décision dans la manière de conduire la guerre, au profit de l’Allemagne et de l’Italie.
À ce propos, une autre information inexacte au sujet du putsch du 27 mars est intéressante: celle qui prétend que même le gouvernement installé par le putsch avait accepté l’adhésion au Pacte tripartite. Donc, que le putsch avait été fait pour rien - ce qui est autant un non-sens que l’affirmation selon laquelle Hitler aurait insisté pour l’adhésion du Royaume de Yougoslavie au Pacte tripartite, non seulement en ne demandant rien en échange, mais pour un accord qui, soi-disant, ne lui convenait même pas.
En réalité, le nouveau gouvernement avait mis en application le langage diplomatique, comme les Allemands l’avaient fait le 25 mars, quand ils ont signé la note officielle qui affirmait que le Royaume de Yougoslavie conservera sa souveraineté et sa neutralité. De la même façon, le nouveau gouvernement, dans le premier point de son communiqué, avait annoncé qu’il «reste fidèle au respect de ses obligations internationales déjà convenues, et ainsi envers le Protocole de Vienne du 25 mars». On pense ici aux notes officielles publiques: il a été convenu ce qu'on peut interpréter comme ''nous restons souverains et neutres et nous nous y tenons''.
Cependant, dans le deuxième point du communiqué, il est dit que le nouveau gouvernement «veillera le plus résolument à ne pas se mêler du conflit actuel». Ceci renforce le contenu du premier point: ''nous restons souverains et neutres et nous n’entrerons pas dans le conflit actuel''. Cela signifiait, entre autres, que ''nous n’occuperons pas Thessalonique'', en clair que nous serons RÉELLEMENT neutres. Évidement, si nous étions devenus l’un des trois occupants de la Grèce, nous aurions cessé d’être neutres.
En d’autres termes, tout s’est passé à l’opposé de l’interprétation de la propagande imposée: le 25 mars n’était pas frappé du sceau de la neutralité mais sa fin, tandis que les évènements du 27 mars annonçaient son retour.
Les joutes verbales se cachent dans le premier point du Protocole public du 25 mars. Les Allemands s’y sont engagés au «respect » des frontières du Royaume de Yougoslavie, mais sans garantir son inviolabilité. Le respect des frontières n’engage à rien, au contraire de la garantie.
Autrement dit, la construction «d’un nouvel ordre en Europe», dans lequel l’occupation par la Yougoslavie de la Grèce n’aurait été qu’un des segments, supposait aussi « de nouvelles frontières ». Le Pacte tripartite comportait un comité d’arbitrage pour l’établissement des nouvelles frontières, mais tous les membres avaient obligation d’accepter les décisions de l’Allemagne. Cela s’était déjà vu avec l’expérience de la Roumanie. Dès que la Roumanie avait adhéré au Pacte tripartite, en 1940, la Hongrie avait exigé la Transylvanie et la Bulgarie avait exigé la Dobrogée. Les Allemands avaient décidé que ces deux régions devaient être ôtées à la Roumanie et rattachées à la Hongrie pour la première, et à la Bulgarie pour la seconde.
Et quand le chef du gouvernement roumain avait protesté auprès d’Hitler, il avait reçu comme réponse: «La Roumanie peut protester contre le comportement à son égard, mais moi je ne lui souhaite pas le destin prévu pour la Yougoslavie.»
Par ailleurs, les mots de Hitler au ministre hongrois des Affaires Étrangères voilent à peine ses intentions: «Le Führer a indiqué que l’Allemagne n’a pas l’intention de donner à ce pays
(la Yougoslavie)
la moindre garantie pour ses frontières… Ses amis de la
(Première)
Guerre mondiale lui sont, de toute façon, plus proches que ses anciens ennemis. »
Si le Pacte signé le 25 mars avait survécu, immédiatement après le découpage de la Grèce, aux environs de la mi-avril 1941, l’Allemagne aurait exigé le nord de la Slovénie, la Hongrie le nord de la Voïvodine, la Bulgarie toute la Serbie du sud, l’Italie aurait pris l’initiative sur la Dalmatie et la «Grande Albanie» aurait exigé le Kosovo-Métochie. Concernant «l’État Indépendant de Croatie», les Allemands étaient déjà en négociation avec Vlatko Matchek**. De plus, les Allemands préparaient à installer à la tête de la Croatie indépendante Slavko Kvaternik***, tandis que les Italiens préparaient au même moment Anté Pavelic. Si le Pacte tripartite était resté en l’état, la seule inconnue aurait été la date de l’avènement de «l’État Indépendant de Croatie»: le 10 avril ou un autre jour autour de cette date.
Dans la première note secrète: « Considérant la situation militaire actuelle, l’Allemagne et l’Italie assurent le gouvernement yougoslave qu’elles n’ont pas l’intention de lui demander d’aide militaire » - le point clé est «la situation militaire actuelle». Au moment de la signature du Pacte, la situation militaire était telle que l’Allemagne n’avait de toute façon pas besoin de demander d’aide militaire au Royaume de Yougoslavie. Mais, après avoir déclenché l’attaque sur l’Union Soviétique, qui, d’après le plan prévu à cette époque, aurait dû être lancée le 15 mai, la situation militaire aurait changé et serait alors entré en jeu l’article 3 du Pacte tripartite concernant l’engagement à l’assistance mutuelle «par tous les moyens politiques, économiques et militaires». Le colonel Jivane Knéjèvic, dans son livre ''Le 27 mars 1941'', conclut que la Yougoslavie aurait donné 27 divisions sur le Front de l’Est, puisque c’est ce qu’avait donné la Roumanie, pays au nombre d’habitants proche de celui de la Yougoslavie.
Toutefois, cette analyse est allée beaucoup trop loin, puisque les suppositions au sujet de l’arbitrage, c’est-à-dire concernant le découpage du pays, tout comme celle au sujet de la mobilisation des Serbes contre l’Union Soviétique, ne sont pas réalistes. Ce qu’il y a de réaliste est seulement ce qu’avait déclaré le général Douchane Simovic juste après le putsch: que le putsch a empêché l’éruption d’un soulèvement populaire serbe. En d’autres termes, la situation dans la population, comme dans l’Armée, était tellement électrique qu’à tout moment un soulèvement pouvait survenir. Il serait probablement survenu dès le 28 mars à l’annonce de l’attaque conjointe de la Grèce par les forces allemandes et yougoslaves – plus précisément serbes. Car, le peuple serbe considérait la Grèce comme un pays ami.
Les détails au sujet des dates nous sont connus sur la base de trois documents du Commandement suprême allemand, qui reviennent au même: «Le coup d’état (à Belgrade) a reporté l’invasion des troupes allemandes en Yougoslavie, qui avait été ordonné pour le 27 mars», comme l’avait noté le Großadmiral Erich Raeder.
Concrètement, Hitler avait ordonné le début de l’attaque de la Grèce pour l’aube du 27 mars 1941. Puisque la Grèce avait concentré son armée sur la frontière avec la Bulgarie, l’ordre avait été donné à l’armée allemande en Bulgarie de pénétrer dans le sud de la Serbie, puis, de là, sur la frontière grecque non protégée.
Au cours du mois de mars 1941, Hitler avait eu deux entrevues secrètes avec le Prince régent Paul. Puis il a appelé le régent à une troisième entrevue secrète le 26 mars. C’est la raison pour laquelle, le jour suivant, ce dernier avait été stoppé par les autorités yougoslaves dans son train près de la Slovénie et reconduit à Belgrade. Hitler voulait se conduire comme dans le cas de la Tchécoslovaquie. Avec ce pays aussi il avait signé plusieurs accords, puis les a transgressé un à un. Hitler avait même dit au Prince régent Paul, lors de leur entrevue secrète du 4 mars 1941 qu’on «ne peut pas être guidé par des considérations morales et sentimentales dans la lutte à la vie à la mort».
Pour ne pas donner l’impression qu’il transgresse aussi facilement les accords qu'il signe, Hitler avait appelé en urgence le Président tchécoslovaque à venir le rencontrer. Celui-ci était ainsi aux côtés d’Hitler quand les chars allemands ont franchi la frontière tchécoslovaque. Il n’y avait ensuite rien de plus facile que de produire le communiqué commun de circonstance.
Dans le cas yougoslave, c’était encore plus aisé, car l’accord octroyant Thessalonique à la Yougoslavie avait déjà été signé. On peut seulement imaginer avec horreur comment la machination allemande se serait emballée, dès le 28 mars, pour célébrer la nouvelle 'fraternité d’armes' entre le Reich et les Serbes accompagnée de photos du Prince régent Paul avec Hitler ensemble, combien elle serait impatiente de publier des félicitations de l’occupation serbe de Thessalonique, etc…
Tout le monde faisait son possible pour convaincre le Prince régent Paul de ne pas se lancer dans cette aventure: les chefs des partis politiques, les officiers supérieurs de l’Armée, les intellectuels comme Slobodan Yovanovic, le Patriarche de l’Église orthodoxe Serbe Gavrilo… Même son subordonné, le Chef du gouvernement Draguicha Tsvétkovic faisait tout pour l’en dissuader. Dans un rapport au Prince régent, Tsvétkovic avait conclu: « Pour nous il est mieux d’attendre d’être attaqué directement, que d’être anéantis petit à petit lorsque nous serons isolés. De toute façon, notre destin sera le même. Si ils nous attaquent et que nous nous défendons, notre honneur sera sauf, et cela aura de la valeur lorsque cette guerre sera terminée ».
Les putschistes savaient ce qu’avait écris Tsvétkovic. Le colonel Jivane Knéjèvic établit :
« Concernant l’issue de notre lutte dans la phase actuelle du conflit, il ne pouvait, hélas, y avoir aucun doute: le destin de notre pays avait en réalité été réglé le 1er mars 1941, quand les chars allemands ont traversé la frontière bulgare. Toute la question revenait à ce qui suit: est-ce que la Yougoslavie deviendra complice de l’Axe et finalement une victime humiliée, ou bien seulement ‘une victime consciente, une vraie héroïne’? Va-t-elle devenir un mercenaire pour le compte d’un étranger, ou bien ployer temporairement malgré la lutte et ressusciter dans l’indépendance après la défaite du Reich nazi?»
Ce qui est crucial ici est l’expression «la phase actuelle du conflit». C’est-à-dire alors que le Royaume était encerclé. Dans la phase précédente, en 1940, les chances avaient été meilleures. À ce moment l’Italie avait attaqué la Grèce, et avait même bombardé Bitola en Yougoslavie. Le Royaume de Yougoslavie était obligé par un accord d’entrer en guerre aux côtés de la Grèce, et avait même un motif supplémentaire que représentent les bombes italiennes tombées sur Bitola. Toutefois, le ministre de la Guerre, le général Milan Nedic, avait refusé d’exécuter les ordres. En lieu de cela, il avait proposé que la Yougoslavie dès cette année-là adhère au Pacte tripartite.
La Grèce s’est défendue toute seule, et bientôt les Britanniques ont commencé à lui envoyer leurs divisions à la rescousse. Si la Yougoslavie était entrée en guerre à ce moment-là, une forte coalition des alliés occidentaux aurait commencé à se former dans les Balkans. L’armée yougoslave aurait nettoyé ses rangs de ses éléments non-fiables – avant tout de ceux parmi les Croates – elle se serait mobilisée à temps, se serait armée, entraînée et aurait sensiblement élevé son degré de préparation aux combats.
Slobodan Yovanovic**** écrit que les pourparlers secrets concernant l’adhésion au Pacte tripartite avaient commencé dès l’éviction du général Milan Nedic du poste de ministre de la Guerre. À la question comment était-il possible que l’État s’engage dans cette errance, Yovanovic répond que c’était arrivé «uniquement parce que le peuple de Yougoslavie était privé depuis des années du droit de résoudre ses problèmes vitaux les plus élémentaires».
Slobodan Yovanovic n’entre pas dans les détails sur cette question, mais il pensait certainement au fait que le Prince régent Paul avait opéré une sorte de coup d’état dès 1938. Il avait remplacé son Premier ministre d'alors - le Dr Milan Stojadinovic - par ailleurs chef de la coalition des partis politiques qui avaient emporté la victoire aux élections législatives de 1935 et 1937, puis il l’avait chassé du pays. Il avait aussi chassé la Reine mère Marie de Yougoslavie, en 1938 à Londres. C’était un piètre tuteur de l’héritier du trône qui était encore mineur - Pierre II - et il avait même préparé une modification de la Constitution afin de pouvoir lui-même pouvoir devenir Roi. L’année 1939, il était passé outre la Constitution pour proclamer la création de la banovine de Croatie, lui offrant quelques territoires des banovines serbes, de Dubrovnik au sud jusqu’à Petrovaradine au nord. Et il avait aussi suspendu la liberté de la presse. Ont été interdits de paraître par exemple «La Voix serbe», édité à Belgrade par l’académicien Draguicha Vasic, et «La Patrie» édité à Banja Luka par le Dr Stevan Moliévic.
Pourtant, le Dr Milan Stojadinovic était le meilleur amortisseur face à la menace nazie. Eux-mêmes étaient tellement convaincus qu’il était devenu leur agent, que, une fois la Yougoslavie occupée, ils voulaient le mettre au poste du chef de leur ‘gouvernement’ collaborationniste d’occupation (en procédant à l’échange de prisonniers avec les Britanniques). Cependant, dans le bureau de Milan Stojadinovic à Belgrade, ils ont découvert des documents dans lesquels il ne faisait aucun doute que pendant tout le temps de son mandat, Stojadinovic en réalité ne pensait qu’aux intérêts serbes. C’est pourquoi ils y ont renoncé, pour choisir à la place Milan Nedic pour Premier ministre de leur ‘gouvernement’ collaborationniste de leur zone d’occupation de la Serbie.
Quelques années après la guerre, les partisans de Liotic et de Nedic émigrés en Occident ont commencé à diffuser des rumeurs selon lesquelles le putsch du 27 mars 1941 aurait été financé par les Anglais. L’un d’eux, Mirko Kosic avait même cité dans son livre une déclaration de Seton-Watson du SOE selon laquelle les Anglais auraient payé le putsch un demi-million de Livres Sterling et que de ce fait ils n’ont plus aucune dette envers les Serbes. Le colonel Jivane Knéjèvic avait poursuivi Kosic en justice devant un tribunal de Pittsburgh aux États-Unis. Le tribunal avait appelé Seton-Watson à témoigner, et ce dernier a écris :
«(…) ce qui m’amène à prendre maintenant la parole, c’est l’apparition, en mars 1951, d’un pamphlet, dans lequel est citée ma prétendue déclaration: ‘nous avons payé 500.000 Livres Sterling pour l’entrée de la Yougoslavie dans la guerre, alors nous ne devons plus rien aux Serbes’. Il est à peine nécessaire que j’affirme que je n’ai jamais fait une déclaration de ce genre sous aucune forme, et que cette accusation, du début à la fin, doit être considérée comme une diffamation malveillante et éhontée.»
Le colonel Knéjèvic avait obtenu gain de cause à ce procès, mais la prétendue déclaration de Seton-Watson est aujourd’hui davantage connue de notre opinion publique - au sens qu'elle est tenue pour vraie - que 90% des faits énoncés dans cet article.
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Notes de bas de pages et précisions
* Un putsch militaire, dirigé par le général Douchane Simovic, dénonce le pacte avec l'Axe, fait arrêter les ministres et exiler le Prince Paul qui assurait la régence du trône de Yougoslavie. Pierre II de Yougoslavie est déclaré majeur et accède au trône du Royaume 6 mois avant sa majorité effective.
** Vlatko Matchek - Président du "Parti Paysan croate" et chef de file des intellectuels croates jusqu'à la Seconde Guerre mondiale qui appela à soutenir les Oustachis lors de l'établissement de "l’État Indépendant de Croatie".
*** Slavko Kvaternik - Officier croate de l'armée Austro-hongroise, puis yougoslave, il incitait ouvertement à la mise en œuvre du génocide serbe.
**** Slobodan Yovanovic - Juriste et historien, il était l'un des membres de l'élite intellectuelle serbe. Il sera vice-Premier ministre du gouvernement putschiste puis Premier ministre du gouvernement yougoslave en exil à Londres en 1942 et 1943.
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